Et si on parlait trop de la souffrance des animaux?

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Illustration de page de droite par Julien Castanié.

Texte originalement écrit durant l’été 2016 puis publié dans Véganes magazine contreculturel, édition printemps-été 2017, p. 123-126. Ma récente conférence «Au-delà de la souffrance: quatre conceptions de l’animal», donnée le 23 janvier 2019 à l’UQAM, a été en partie inspirée par ce texte, même si mes réflexions ont beaucoup évolué depuis.

Réfléchir à l’autonomie des animaux non humains peut sembler bien frivole au regard des souffrances qu’ils endurent. Pourtant, à ne les considérer qu’en tant qu’êtres capables de souffrir, on manque sans doute l’essentiel.

Mes recherches doctorales en philosophie portent sur le concept d’autonomie que j’essaie, entre autres, d’appliquer aux animaux non humains. Je crois en effet que ces derniers ont, tout comme les humains (du moins, en théorie), le droit de faire les choix en ce qui concerne les pans fondamentaux de leur vie — le choix, entre autres, de déterminer où vivre, avec qui développer des relations et quoi faire de leurs journées. Je m’inspire également de la théorie de la citoyenneté animale développée par Sue Donaldson et Will Kymlicka qui suggère notamment de considérer les animaux domestiqués comme des membres à parts égales des sociétés humaines — ou plutôt, sociétés mixtes humaines-animales. Il importe donc de les voir comme des citoyens ayant le droit de participer à la vie sociale et politique de leur communauté ainsi que le droit d’influencer le vivre ensemble et de façonner l’espace public à leur image.

C’est bien beau tout ça, me dit-on, mais toutes ces questions et ambitions ne sont-elles pas frivoles, voire déplacées et indécentes, dans un monde qui tue chaque année des milliards d’êtres sensibles et qui ne sait pas reconnaître la différence morale entre un verre de jus d’orange et un verre de lait de vache? Lire la suite

Étude de cas sur un café à chats

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Un café à chats végane en plein coeur de Montréal

En juin dernier, le Café Venosa a ouvert ses portes sur le boulevard St-Denis à Montréal. Pour une première fois, il s’agit d’un café à chats n’offrant que de la nourriture végétalienne — une cohérence qui s’imposait comme nécessaire. (En effet, quel serait l’intérêt d’aller flatter des chats tout en croquant dans des paninis au jambon et fromage?) Mais au-delà de son attrait ludique et inusité, et de son menu fort appétissant, ce qui m’a frappé de cet endroit est qu’il pouvait exemplifier des idées que je défends à travers mon parcours académique et militant.

J’ai discuté auparavant de la théorie de la citoyenneté animale proposée par Sue Donaldson et Will Kymlicka, théorie qui suggère entre autres de considérer les animaux domestiqués comme des membres à part entière de nos sociétés et de leur octroyer le statut de citoyen. Et si le Café Venosa nous offrait une fenêtre sur une possible zoopolis, du moins sur une partie de celle-ci?

Je propose ici de montrer de quelle manière un café à chats végane nous permet de nous pencher sur trois aspects de la citoyenneté animale: la question de l’inclusion sociale, l’instauration des règles du vivre ensemble et le problème des conditions de travail. Il est probable que les fondateurs de ce café n’avaient pas de telles intentions en tête, mais leur initiative nous invite bien à mieux explorer nos idées et pratiques sur des thèmes politiques de grande importance. Lire la suite