Discours sur la violence légalisée envers les autres animaux

Journée national des droits des animaux 4 juin 2016 Montréal

Cliquez sur l’image pour parcourir les photos de Christiane Bailey.

La Journée nationale des droits des animaux, évènement initié en 2011 par l’organisme Our Planet. Theirs Too, a eu lieu pour la première fois à Montréal ce 4 juin 2016. Suite à une cérémonie fort émouvante en l’honneur de ces milliards d’animaux tués chaque année, la foule a écouté sur la place publique des discours de Claude Samson, du Refuge RR, de Christiane Bailey, des membres de KARA (Kebek Animal Rights Association), de Carl Saucier-Bouffard, de Végane Montréal, de Jean-Pierre Kiekens et de moi-même.

Comme on me l’a demandé, je reproduis ici mon discours, largement inspiré de l’article « The War Against Animals: Domination, Law and Sovereignty » du sociologue Dinesh Wadiwel ainsi que de mon billet « L’exploitation animale est consacrée dans la loi »:


On m’a demandé aujourd’hui de parler du statut juridique des animaux. On le sait à peu près tous ici que les animaux sont, du point de vue de la loi et à quelques nuances près, des biens meubles. Des objets. Si vous me permettez, je vais commencer en prenant un recul sur ce statut afin de pouvoir me pencher sur l’origine de ce système légal.

Selon le philosophe français Michel Foucault, un système légal sert essentiellement et presque toujours à masquer la violence et la domination. Car elle est l’arme du vainqueur de la guerre envers ceux et celle qui l’ont perdue. Elle perpétue cette guerre dans une apparence de pacifisme, de conflit résolu, de stabilité. Et pourtant, elle distribue des pouvoirs et des privilèges à certains et elle brime les libertés des autres en leur dictant comment vivre. Et surtout, elle se présente comme étant l’autorité suprême — preuve qu’elle est du côté du vainqueur.

Dans le cas des animaux, rien ne pourrait être plus clair : l’humanité est en état de guerre perpétuelle contre les autres espèces animales. Depuis au moins le néolithique, la guerre est gagnée, mais ça ne l’empêche pas de continuer, jour après jour, en faisant des centaines de milliards de victimes par année. Et je n’exagère pas. L’humanité règne maintenant sur tout ce qui existe sur cette terre et s’arroge le droit de déterminer le droit à la vie et à la mort de tout ce qui s’y trouve. Évidemment, cette guerre se fait aussi à l’intérieur même de l’espèce humaine où l’on voit les hommes dominer les femmes, les blancs dominer les autres cultures et les autres nations, les riches dominer les pauvres, et ainsi de suite. La domination envers les animaux n’est que l’une des manifestations de la violence dont est capable la face obscure de l’humanité.

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Les animaux devraient être considérés comme des «personnes»

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Le récent Manifeste pour une évolution du statut juridique des animaux connait un succès inespéré, et je félicite mes amis Sophie Gaillard, Martin Gibert et Élise Desaulniers d’avoir orchestré cette initiative, avec le brio qu’ils maîtrisent tant. Il s’agit d’une belle occasion pour se poser des questions sur la nature des réformes qui peuvent et doivent avoir lieu au niveau du droit animal et des conditions d’exploitation, et des anticipations réalistes que nous pouvons entretenir à cet égard. En effet, il est grand temps que nous engagions un débat de société sur cette question.

Avec l’expertise précieuse de Valéry Giroux (LL.M., docteure en philosophie et coordonnatrice du Centre de recherche en éthique de l’Université de Montréal) et de Jean-Philippe Royer (candidat au doctorat en philosophie à l’Université de Montréal et à l’Université catholique de Louvain), j’ai co-écrit cette lettre d’opinion qui est parue ce matin dans Le Devoir. Bien que d’accord avec le Manifeste sur la nécessité de moderniser le droit animal, nous tenions toutefois à mettre en garde quant aux risques d’inclure les animaux non humains dans une troisième catégorie juridique, entre les personnes et les biens; nous considérons que la voie de la personnalité juridique, malgré son caractère radical, constitue encore la meilleure voie pour la libération animale. Nous avons tenté de traiter de cette question complexe en moins de 1000 mots, dans un texte originalement intitulé: « Statut juridique des animaux: contre une troisième voie ».

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L’exploitation animale est consacrée dans la loi

Protéger pour mieux exploiter

Une chose est bien connue: légalement, les animaux sont considérés comme des biens meubles. Mais la situation est-elle aussi simple? N’y a-t-il pas, par exemple, une panoplie de lois qui protègent les animaux contre la cruauté?

La réponse simple est oui: la cruauté envers les animaux est notamment sanctionnée dans le Code criminel canadien (articles 444447). La réponse longue est que ces lois ne remettent pas du tout en question les formes institutionnalisées d’exploitation animale, et ce, même si celles-ci impliquent souvent des formes plus graves et systématisées de souffrance et de violence. Autrement dit, la cruauté pour la cruauté est légalement prohibée, mais non la cruauté pour faire des profits.

De manière générale, ce qui est considéré comme une pratique socialement acceptée ne peut pas être sanctionné par la loi. Les intérêts des animaux sont donc seulement considérés lorsqu’ils convergent avec les intérêts des êtres humains. La loi ne protège pas les animaux pour ce qu’ils sont, mais plutôt pour ce que nous décidons qu’ils sont, c’est–à-dire de l’utilité que l’on veut bien leur imposer. Par exemple, un lapin bénéficie de différentes protections légales selon qu’il est utilisé pour la recherche scientifique, qu’il est élevé pour être mangé, qu’il est élevé pour être vendu à une animalerie, qu’il est dans l’animalerie, qu’il se voit adopté par une famille en tant qu’animal de compagnie ou qu’il est sauvage. Il peut s’agir du même lapin qui est transféré d’un endroit à l’autre, cela importe peu: sa protection est déterminée par sa fonction. Ses intérêts les plus fondamentaux sont donc échangeables, négligeables, et ne sont aucunement considérés en soi. En bref, la loi sert d’abord à protéger l’exploitation animale bien avant de protéger les animaux eux-mêmes.

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