Les animaux devraient être considérés comme des «personnes»

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Le récent Manifeste pour une évolution du statut juridique des animaux connait un succès inespéré, et je félicite mes amis Sophie Gaillard, Martin Gibert et Élise Desaulniers d’avoir orchestré cette initiative, avec le brio qu’ils maîtrisent tant. Il s’agit d’une belle occasion pour se poser des questions sur la nature des réformes qui peuvent et doivent avoir lieu au niveau du droit animal et des conditions d’exploitation, et des anticipations réalistes que nous pouvons entretenir à cet égard. En effet, il est grand temps que nous engagions un débat de société sur cette question.

Avec l’expertise précieuse de Valéry Giroux (LL.M., docteure en philosophie et coordonnatrice du Centre de recherche en éthique de l’Université de Montréal) et de Jean-Philippe Royer (candidat au doctorat en philosophie à l’Université de Montréal et à l’Université catholique de Louvain), j’ai co-écrit cette lettre d’opinion qui est parue ce matin dans Le Devoir. Bien que d’accord avec le Manifeste sur la nécessité de moderniser le droit animal, nous tenions toutefois à mettre en garde quant aux risques d’inclure les animaux non humains dans une troisième catégorie juridique, entre les personnes et les biens; nous considérons que la voie de la personnalité juridique, malgré son caractère radical, constitue encore la meilleure voie pour la libération animale. Nous avons tenté de traiter de cette question complexe en moins de 1000 mots, dans un texte originalement intitulé: « Statut juridique des animaux: contre une troisième voie ».

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L’exploitation animale est consacrée dans la loi

Protéger pour mieux exploiter

Une chose est bien connue: légalement, les animaux sont considérés comme des biens meubles. Mais la situation est-elle aussi simple? N’y a-t-il pas, par exemple, une panoplie de lois qui protègent les animaux contre la cruauté?

La réponse simple est oui: la cruauté envers les animaux est notamment sanctionnée dans le Code criminel canadien (articles 444447). La réponse longue est que ces lois ne remettent pas du tout en question les formes institutionnalisées d’exploitation animale, et ce, même si celles-ci impliquent souvent des formes plus graves et systématisées de souffrance et de violence. Autrement dit, la cruauté pour la cruauté est légalement prohibée, mais non la cruauté pour faire des profits.

De manière générale, ce qui est considéré comme une pratique socialement acceptée ne peut pas être sanctionné par la loi. Les intérêts des animaux sont donc seulement considérés lorsqu’ils convergent avec les intérêts des êtres humains. La loi ne protège pas les animaux pour ce qu’ils sont, mais plutôt pour ce que nous décidons qu’ils sont, c’est–à-dire de l’utilité que l’on veut bien leur imposer. Par exemple, un lapin bénéficie de différentes protections légales selon qu’il est utilisé pour la recherche scientifique, qu’il est élevé pour être mangé, qu’il est élevé pour être vendu à une animalerie, qu’il est dans l’animalerie, qu’il se voit adopté par une famille en tant qu’animal de compagnie ou qu’il est sauvage. Il peut s’agir du même lapin qui est transféré d’un endroit à l’autre, cela importe peu: sa protection est déterminée par sa fonction. Ses intérêts les plus fondamentaux sont donc échangeables, négligeables, et ne sont aucunement considérés en soi. En bref, la loi sert d’abord à protéger l’exploitation animale bien avant de protéger les animaux eux-mêmes.

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Défense d’aider les animaux

Lesli Bisgould - Animals and the Law

Dans son chapitre sur les animaux sauvages, la professeure de droit de l’Université de Toronto Lesli Bisgould écrit:

Tandis qu’une personne a le droit de perturber un animal [sauvage] dans le but de tenter de le tuer, elle ne doit pas le faire dans l’intention d’essayer de l’aider; il est interdit de déranger les animaux « en vue d’empêcher ou de gêner des activités licites de chasse ou de pêche »; toucher ou enrayer tout piège tendu conformément à la législation constitue également une infraction.1

– Lesli Bisgould (2011), Animals and the Law, p. 241

Parallèlement, l’article de Vaughan Black intitulé “Rights Gone Wild” propose une intéressante réflexion sur le fait que la plupart des provinces du Canada ont adopté un droit symbolique à la chasse. Les députés, au lieu de se questionner sur les conséquences imprévisibles de tels statuts, ont plutôt profité de leurs interventions en chambre pour raconter des histoires de chasse, prétendre que la chasse est nécessaire à l’équilibre des écosystèmes (mais sans jamais citer d’études scientifiques à ce sujet), et que c’est bon pour l’éducation des enfants et la famille. Et ils ont même été capables de parler de chasse sans mentionner le mot « kill » (tuer): Lire la suite