Il n’y a pas d’arguments moraux en faveur du végétarisme

Jo-Anne McArthur

© Jo-Anne McArthur

Au cours de l’évolution du mouvement social pour les droits des animaux, une erreur historique s’est glissée: l’apparition de l’ovo-lacto-végétarisme. Cette pratique alimentaire a ralenti la cause parce que, en se voulant plus accessible, elle a laissé croire à tort qu’il existe une différence morale entre exploiter un boeuf et exploiter une vache, ou entre exploiter un poulet et exploiter une poule; ou que parce qu’il n’y a pas de sang, il n’y a pas de violence. Ces idées reçues ont alors entraîné de longs débats de la part de ceux et celles insistant pour faire de l’ovo-lacto-végétarisme une position morale respectable et suffisante. Une telle position peut ainsi être soutenue à l’aide de cinq arguments: (1) pour des raisons diététiques ou prudentielles, (2) pour éviter de tuer, (3) parce que cela réduit la souffrance, (4) parce que les conséquences négatives ne sont pas volontaires, et enfin (5) parce que c’est mieux que rien. Dans ce billet, je propose de parcourir ces cinq arguments dans le but d’illustrer que les justifications de la consommation de produits laitiers et d’oeufs sont arbitraires et que, par conséquent, l’ovo-lacto-végétarisme n’aurait pas dû exister en tant que pratique à promouvoir.

Je souhaite être clair: mon but n’est pas de critiquer les gens qui pratiquent l’ovo-lacto-végétarisme, et encore moins de juger leurs limites et leur situation personnelle. Je conçois tout à fait que ces végétariens veulent bien faire, de sorte que je ne voudrais en aucun cas décourager leur bonne volonté. Ce que je questionne plutôt est de considérer l’ovo-lacto-végétarisme comme une fin en soi, voire même comme une étape nécessaire et suffisante. Je ne cherche pas à culpabiliser les ovo-lacto-végétarien-ne-s qui ne se sentent pas encore prêt-e-s à devenir véganes. Ce qui me préoccupe, ce sont les revendications du mouvement social et politique pour les droits des animaux. Celui-ci, j’estime, doit avancer une position claire et minimale: le véganisme (ce qui inclut une alimentation végétalienne).

Pour le reste de cet article, je simplifierai la notion d’ovo-lacto-végétarisme par celle, plus commune, de végétarisme — même si, étymologiquement, ce dernier référait plutôt à l’alimentation à base de végétaux. À noter que, de nos jours, le végétarisme est parfois employé pour référer à la grande famille des modes alimentaires rejetant des produits animaux. Le végétalisme, quant à lui, réfère à l’alimentation qui exclut tout produit animale, alors que le véganisme englobe le mode de vie global qui proscrit l’exploitation animale.
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John Oswald (1730-1793)

On accuse souvent ceux qui défendent les droits des animaux de vouloir imposer leur vision au reste du monde comme le veut l’impérialisme occidental, avec des valeurs « eurocentristes » qui ne cadrent pas avec les différentes cultures du monde. Quelle accusation ironique,lorsqu’on sait qu’à peu près toutes les cultures ont leur tradition de compassion avec les animaux, ou à tout le moins une critique interne les invitant à un plus grand respect envers les non-humains! En réalité, c’est bien l’Europe et l’Occident, avec leur lourde histoire gravée par le christianisme, le cancre de la classe mondiale; c’est bien nous, avec notre héritage cartésien et thomiste de voir les animaux comme des machines ou des objets à notre disposition, qui avons propagé les pires traitements envers les animaux non humains et qui avons le plus insisté sur la suprématie humaine.

Je suis tombé sur John Oswald, auteur écossais du XVIIIe siècle qui, alors soldat en Inde pour la couronne britannique, avait décidé de démissionner après avoir vu les siens maltraiter les Indiens qui se révoltaient. Il a ensuite parcouru le continent, s’est familiarisé avec l’hindouisme et a adopté le végétarisme. De retour en son pays, il publie The Cry of Nature, un vibrant plaidoyer dans lequel il expose ce que l’hindouisme lui a appris comme leçon morale, que vous pouvez consulter sur le site de l’Union Végétarienne Internationale (en anglais).

Le frontispice de l'édition de 1791.

Le frontispice de la première édition.

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