Lorsqu’il est impossible d’être végétalien

« Le véganisme n'est pas un sacrifice, c'est une joie! » Mais si c'était plus difficile dans certains cas?

« Le véganisme n’est pas un sacrifice, c’est une joie! » Mais si c’était plus difficile dans certains cas?

On peut être d’accord avec les arguments en faveur du véganisme et des droits des animaux, mais toutefois avoir de la difficulté à les mettre en pratique. La plupart du temps, ces difficultés sont d’ordre psychologique et social. C’est pourquoi j’ai proposé différents trucs pour faire la transition (ainsi que des ressources) et j’encourage ceux et celles qui se sentent isolé-e-s à se lier d’amitié avec d’autres véganes.

Pour d’autres personnes, en revanche, les difficultés à devenir végétalien sont plutôt d’ordre médical ou biologique. Même si l’Association des diététistes des États-Unis affirme qu’ « une alimentation végétalienne bien planifiée et les autres types d’alimentations végétariennes sont appropriés à toutes les périodes de la vie, y compris la grossesse, l’allaitement, la petite enfance, l’enfance, et l’adolescence » et que ce message est corroboré par de nombreuses institutions sérieuses à travers le monde, il pourrait exister des exceptions. Que ce soit à cause d’allergies, d’intolérances, de maladies ou autres problèmes de santé, il semble que les défis à la transition vers le végétalisme ne soient pas les mêmes pour tous. Ces cas sont sans doute assez rares, mais ils existent bel et bien. Dans ces circonstances, que peut-on faire?

Dans ce billet, j’explore certaines avenues possibles pour aider de telles personnes à faire le maximum pour devenir végétaliennes. Certaines de ces idées seront controversées et d’autres demeurent irréalistes pour l’instant, mais justement, l’important est que ce soit discuté et que nous cherchions des solutions. Car le but n’est ni d’abandonner ces personnes en continuant de prétendre que le végétalisme est facile universellement, ni de laisser croire qu’il n’y a aucune solution à ce problème! Alors voici les quelques possibilités que j’aborde et qui sont compatibles avec les droits des animaux:

À noter aussi que peu importe l’étendue et la gravité des allergies, intolérances et maladies compliquant le projet d’être végétalien, rien n’empêche d’adhérer théoriquement aux droits des animaux et de boycotter les autres formes d’exploitation animale. Par exemple, on peut avoir des obstacles médicaux à être végétalien mais cesser d’acheter des produits testés sur les animaux, d’aller au cirque et au zoo, de porter de la fourrure et du cuir, etc. — et surtout, on peut sensibiliser son entourage au sujet des droits des animaux et les encourager à devenir véganes (notamment s’ils n’ont pas d’excuse médicale!). Loin d’être hypocrite, il s’agit plutôt de promouvoir l’importance de ce projet moral et collectif tout en reconnaissant ses limites pour certaines personnes. Et comme je souhaite le suggérer, ces limites ne sont pas insurmontables.

Peut-on être allergique au végétalisme?

De nombreuses raisons peuvent limiter nos choix alimentaires. Il est alors normal qu’en se passant de produits animaux, cela devienne encore plus compliqué. Mais heureusement, compliqué ne signifie pas impossible et il existe déjà de nombreuses ressources pour répondre à certains de ces cas particuliers. Voici quelques exemples.

Intolérance au soya:

Intolérance au gluten:

On peut même trouver des livres de recettes!

On peut même trouver des livres de recettes!

Allergies aux noix:

On peut aussi faire des combinaisons:

Je croise aussi plusieurs personnes qui se croient incapables de digérer les légumineuses. Cette intolérance existe effectivement, mais serait très rare. La vaste majorité du temps, cette mauvaise digestion des légumineuses s’explique par le fait que… on n’en mange pas assez souvent. La flore intestinale n’est alors plus adaptée à digérer les glucides complexes présents dans ces aliments, mais en les réintégrant petit à petit, le système s’ajuste très bien et généralement, au bout de huit semaines, on n’a plus les complications (flatulences, ballonnements, etc.) que l’on avait. D’autres trucs sont aussi disponibles pour faciliter l’intégration des légumineuses:

  • Commencer par intégrer les légumineuses plus simples à digérer, comme les pois chiches et les lentilles rouges.
  • Faire germer les légumineuses avant de les cuire.
  • Manger des légumineuses fermentées, comme le tempeh.
  • Ajouter du kombu ou certaines épices comme les graines de fenouil, l’anis, le cumin.
  • Cuire plus longtemps, par exemple 24h à feu doux.
  • Utiliser du Beano.

Donc à moins que vous ayez une réaction cutanée ou des problèmes respiratoires suite à la consommation de légumineuses, vous devriez faire des efforts pour intégrer ces aliments fort nutritifs à votre alimentation.

Enfin, en ce qui concerne les craintes d’avoir des carences lorsqu’on suit un régime alimentaire plus limité, il suffit d’aller consulter un-e nutritionniste ou un-e diététiste qui saura respecter vos choix et vous guider dans une saine alimentation selon vos contraintes. Pour les personnes près de Montréal, je recommande particulièrement Anne-Marie Roy, grande spécialiste du végétalisme qui a également fondé la Clinique renversante.

Par ailleurs, il est intéressant de noter que l’alimentation végétalienne pourrait réduire les taux et les symptômes d’allergies, en particulier si la mère était végétalienne pendant la grossesse et l’allaitement.

Mais s’il était vraiment nécessaire, pour une personne ayant des problèmes de santé particuliers, de manger des protéines animales, qu’est-ce que cette personne pourrait faire? Pour la suite de ce billet, j’aborde comment on peut concevoir consommer des produits animaux qui respecteraient les droits des animaux, si une telle chose est possible.

Les protéines animales sans souffrance

Il serait aussi possible de consommer des protéines animales sans causer nécessairement de la souffrance. Mais il ne s’agit pas, contrairement à ce que l’on pourrait penser, des produits laitiers et des oeufs puisqu’ils impliquent autant sinon plus de souffrance et de morts que la viande (j’en parlerai éventuellement). Et si jamais quelqu’un en doute encore, les poissons également peuvent souffrir (voir aussi ici). Alors, de quoi s’agit-il?

Comme l’explique Élise Desaulniers dans ce billet fort instructif, il faut d’abord comprendre ce qu’est la souffrance. Plus qu’un réflexe, il s’agit d’une réaction complexe et consciente nécessitant au moins un système nerveux centralisé relié à un cerveau suffisamment développé.

Il faut se rappeler que l’éthique animale ne concerne pas tout le règne animal, mais seulement les animaux qui sont sentients, c’est-à-dire ceux qui ont une vie psychologique, subjective, et qui peuvent alors ressentir les expériences du monde, y compris la souffrance. Or, ce ne sont pas tous les animaux (i.e. organismes dotés de cellules animales) qui répondent à ces critères. Il suffit de penser, par exemple, aux cnidaires (polypes, coraux, etc.) et aux échinodermes (concombres de mer, étoiles de mer, etc.).

Ainsi, certains mollusques bivalves, comme les moules, les huîtres et peut-être les pétoncles et les palourdes, ne répondent pas aux critères minimaux pour posséder la capacité à ressentir et à souffrir. Et en plus du fait que l’impact écologique de l’ostréiculture serait minime, il semble ne pas y avoir de problèmes d’éthique animale à en consommer étant donné que, selon toute vraisemblance, ils ne ressentent rien. Il s’agit par ailleurs d’une très bonne source de fer et de vitamine B12 (bien que le premier s’obtient facilement dans une alimentation végétalienne et que le deuxième se supplémente sans peine). Ceux qui ont un problème de santé rendant leur végétalisme impossible pourraient alors se consoler avec de tels aliments qui n’engendrent pas plus de souffrance que de manger des végétaux.

Les moules et certains autres bivalves ne possèdent même pas de cerveau.

Les moules et certains autres bivalves ne possèdent même pas de cerveau.

Certains véganes sont portés de répondre qu’en cas de doute, il vaut mieux s’abstenir. En effet, un principe de précaution sera toujours nécessaire en quelque part tant il est difficile (et potentiellement non éthique) d’établir scientifiquement où commence la vie subjective, mais considérant l’anatomie de ces bivalves, je vois difficilement pourquoi leur accorder le bénéfice du doute. Il semble que ce doute soit plus raisonnable à propos des crevettes, par exemple: en effet, il y aurait des raisons de croire qu’elles sont capables de souffrir. Et en ce qui concerne les insectes, la question demeure débattue:

La viande recyclée

On pourrait penser que les cadavres d’animaux provenant de morts accidentelles (comme en se faisant frapper par une voiture ou en frappant une vitre) ou de morts naturelles constituent des cas possibles de consommation éthique de viande. À première vue, il semble que puisqu’aucun animal n’a été exploité de son vivant ni tué pour être mangé, cela serait effectivement acceptable — bien que dégoûtant pour plusieurs personnes. Il faut néanmoins tenir compte des deux risques suivants:

  1. Même si l’animal ne subit pas notre désir de le manger (car il est mort pour d’autres raisons), manger de sa chair contribue à propager l’idée selon laquelle consommer des produits animaux est socialement acceptable, voire peut-être requis pour la santé. Tant qu’on associera la chair d’un animal à de la nourriture, il sera davantage difficile pour les gens de comprendre pourquoi manger des animaux et leurs sous-produits n’est pas justifiable ni nécessaire. Et alors, des animaux vivants en paieront les conséquences. C’est aussi la même critique que j’adresse aux déchétariens (ceux qui utilisent la nourriture jetée en arrière des super-marchés) qui récupèrent des produits animaux: même s’il n’y a pas de contribution directe à l’exploitation animale, cela peut encourager la banalisation de la consommation des produits animaux.
  2. Dans les cas de cadavres provenant de morts accidentelles, il est parfois difficile de vérifier s’il s’agit vraiment d’un accident. Supposons que cette sorte de viande devenait plus répandue et acceptée et qu’il existait même un marché pour en vendre et en acheter. S’il y a commercialisation, cela risque d’encourager la négligence sur la route, voire même des collisions délibérées. (Et en plus, cela prive peut-être les animaux nécrophages de consommer cette nourriture, de sorte que si la pratique devenait répandue, elle pourrait avoir un impact sur les écosystèmes.) Il ne faut donc pas oublier que ces morts accidentelles demeurent tragiques pour les victimes et qu’il faut trouver des moyens de les réduire.

En même temps, la situation est différente pour ceux et celles qui ont des difficultés médicales à devenir végétaliens. Étant donné leur condition particulière où ils se retrouvent en quelque sorte en situation de survie, on peut espérer que le fait qu’ils et elles consomment de cette viande recyclée n’encourage pas les autres à banaliser les produits animaux. Sans doute que les plus gros obstacles seraient alors l’approvisionnement (si on peut s’assurer qu’il est éthique), la salubrité (évidemment!) et le goût (mais peut-être cela pourrait-il être bien apprêté?). De toute manière, il ne s’agit que d’une voie possible, et si notre société préfère en faire un tabou, il n’y a pas d’inconvénients non plus.

La viande de laboratoire

Il existe sinon la promesse de la viande cultivée en laboratoire (ou viande in vitro, viande artificielle, etc.), une réalité de plus en plus envisageable étant donné qu’il est déjà possible d’en faire un hamburger.

viande de laboratoire

Certes, il s’agit actuellement d’un produit aucunement abordable et sans doute encore tabou socialement, mais cela pourrait changer au gré de l’évolution de cette technologie. Il existe néanmoins d’autres problèmes éthiques. Un blogue antispéciste et végane a en effet émis plusieurs critiques à l’endroit de la viande de laboratoire, dont:

  1. Pour le moment, la recherche pour développer de la viande artificielle participe à l’exploitation animale, car elle utilise des cellules souches d’animaux d’élevage abattus. Et pour cultiver cette viande de laboratoire, il faut continuellement s’approvisionner en nouvelles cellules souches, ce qui nécessite perpétuellement l’abattage d’animaux.
  2. De plus, ces cellules souches sont cultivées (c’est-à-dire nourries) dans du sang de foetus de boeuf. Encore une fois, cela nécessite l’abattage de vaches.

Ainsi, toutes choses égales par ailleurs, la viande de laboratoire pourrait se révéler une solution pratique pour ceux qui ont une difficulté biologique à être végétalien. Cependant, étant donné que cela contribue encore à l’exploitation animale, je peine à l’endosser. Certes, d’un point de vue conséquentialiste, cela pourrait s’avérer une manière souhaitable de diminuer drastiquement la souffrance et le nombre de vies abattues en ce monde, mais puisqu’il existe plein de façons de faire la promotion du véganisme et de l’abolition de l’exploitation animale, je vois difficilement comment encourager la viande artificielle du point de vue des droits.

Les produits animaux en tant que médicaments

Enfin, une dernière façon de consommer des protéines animales pourrait être envisagée dans une société considérant les animaux comme des égaux. Comme j’en ai déjà discuté, il existe par exemple une théorie de la citoyenneté appliquée aux animaux domestiqués, et dans un tel cadre, il est possible d’instaurer des formes de collaboration réelle entre les animaux citoyens et les humains. Cette contribution est facultative et doit être compatible avec leur épanouissement et leurs droits fondamentaux, dont le droit à la vie. Le fait de tuer des animaux citoyens pour obtenir leur viande serait alors évidemment banni. En revanche, on pourrait imaginer qu’obtenir d’autres sous-produits comme du lait et des oeufs serait acceptable selon cette théorie. Est-ce le cas?

Il faut d’abord se remémorer les conditions actuelles. Même les méthodes qui ne tuent pas les animaux sont difficiles sur le plan technique et financier: en effet, à l’heure actuelle, les vaches doivent être constamment inséminées, puis elles sont envoyées à l’abattoir vers la fin de leur vie productive; leurs veaux sont également tués s’ils sont des mâles, et condamnés à faire comme leur mère dans le cas des femelles. De la même manière, les poules pondeuses sont systématiquement envoyées à l’abattoir vers la fin de leur vie productive et les poussins mâles sont déchiquetés vivants. Ainsi, produire du lait et des oeufs sans tuer nécessiterait de garder en vie un grand nombre d’animaux qui ne sont pas « utiles » selon l’industrie, ce qui augmenterait significativement les coûts de production ainsi que la logistique, et ce, sans compter les coûts pour la société et les coûts environnementaux.

Il faut également tenir compte que la capacité de production des vaches et des poules est aujourd’hui possible parce que nous avons sélectionné des gènes appropriés au fil des croisements. Or, cela ne va pas dans l’intérêt de ces animaux, car une production aussi effrénée nuit gravement à leur santé (par exemple, produire autant de lait fragilise les os des vaches). Il faudrait alors imaginer des races différentes, ne passant pas leur vie à produire pour nous, et il faudrait uniquement prendre le surplus de leur production, si production il y a.

Les auteurs de la théorie de citoyenneté animale, Sue Donaldson et Will Kymlicka (Zoopolis, p. 134-142), abordent aussi cette possibilité et selon eux, en plus de ce qui est mentionné précédemment, le gros risque demeure la commercialisation, car celle-ci tend toujours à couper les coins ronds des droits des travailleurs lorsqu’il y a des profits à faire. Même dans une société d’égaux, il y a un risque d’ostraciser certains citoyens si on leur impose constamment la même destinée, en l’occurrence si on les voit avant tout comme des machines à produire du lait ou des oeufs.

Je prends très au sérieux chacun de ces points. Néanmoins, j’ai envie de poser la question de savoir si, dans un tel cadre théorique, il serait acceptable d’avoir une production laitière ou d’oeufs qui répondrait à chacun de ces critères et qui n’existerait que pour aider les personnes qui ne peuvent être végétaliennes. Le reste de la société devrait adopter une alimentation végétalienne, mais ceux qui ont des problèmes médicaux diagnostiqués pourraient alors recevoir une prescription pour consommer. Les produits animaux seraient alors strictement des médicaments, disponibles conditionnellement aux droits des animaux en question. De la même manière, il serait aussi possible que des mères humaines donnent leur excès de lait, si cela ne prive aucun enfant de son lait maternel. Quoi qu’il en soit, il s’agit évidemment d’un scénario très loin de notre monde actuel. En même temps, cela indique qu’une société végane pourrait trouver des moyens d’accommoder ceux et celles ne pouvant pas être végétalien pour des raisons biologiques.

Se rappeler de la diversité

Pour conclure, voici une simple image non scientifique mais qui rappelle combien manger végétalien peut être significativement varié. Alors ne perdons pas espoir et cherchons des solutions originales pour accommoder ceux et celles qui ont plus de difficulté à manger végétalien:

Que mangent les végétaliens

Cliquez sur l’image pour l’agrandir.

Et pour le reste de la population qui n’a pas des problèmes de santés qui compliquent leur alimentation, rappelez-vous qu’il est facile de devenir végétalien!

13 avis sur « Lorsqu’il est impossible d’être végétalien »

    • Merci Joannie pour votre question! Je prépare un billet plus étayé à ce sujet, mais rapidement, il est important de comprendre qu’il existe de nombreuses souffrances dans les oeufs de poules dites « en liberté » que l’on retrouve dans les supermarchés. Notamment mais non exclusivement:
      – Toutes ces poules sont envoyées à l’abattoir à la fin de leur vie productive (vers environ 1 an et demi).
      – La vaste majorité des mâles, puisqu’ils ne grossissent pas assez vite pour devenir de la viande de poulet rentable, sont discartés, que ce soit en étant broyés vivants ou mis dans un sac de poubelle.
      – La plupart du temps, les poules sont débecquées (et le bec est un organe très important pour un oiseau).
      – Elles vivent dans un hangar qui ressemble à l’élevage de poulets.
      – On les a privé de toute opportunité d’explorer, de découvrir, de se définir. Elles passent leur vie dans cet hangar, et n’en sortent que pour être envoyées à l’abattoir.
      – On les traite encore, avant tout, comme des machines à produire des oeufs, et non comme des individus ayant leur propre vie.

      Pour ces raisons et d’autres, j’estime qu’acheter des oeufs de poules « en liberté » ne fait pas partie de la solution. J’encourage alors les gens à se tourner le plus possible vers des aliments végétaux ou vers les idées que j’ai suggérées au cours de ce billet.

      En espérant que ma réponse vous ait été utile!

  1. Pour illustrer le défi d’un patient avec la maladie de Crohn qui veut manger végétalien, voici un feuillet préparé par un hôpital britannique spécialisé en grastro-entérologie qui explique comment manger le moins de fibres possible. Malheureusement, il n’est qu’en anglais (les britanniques semblent être vraiment en avance sur nous au niveau de l’information aux patients).

    http://www.stmarkshospital.org.uk/uploads/content/GuidelinesforaLowFibreDiet.pdf

    Le problème est principalement que plusieurs aliments à consommer pour éviter les carences se retrouvent dans la colonne « à proscrire » du document ci-haut. Il s’agit d’une diète omnivore et l’adapter vers le végétalisme doit être fait avec l’aide de professionnels. Une consommation trop élevée de fibres ou une consommation même modérée des aliments à problème (la liste varie selon le patient) peut occasionner une crise, ce qui inclut selon un de mes proches la sensation de digérer une balle de golf cloutée et de la diarrhée qui peut mener à la déshydratation. Comme les complications de la maladie de Crohn peuvent inclure des saignements, des plaies internes et des lésions ne pouvant être guéries que par l’ablation des zones affectées, toute transition vers un nouveau mode d’alimentation sans l’accompagnement serré d’un professionel de la nutrition peut s’avérer hautement périlleuse pour le patient. Un obstacle supplémentaire est le fait que les professionnels de la nutrition en général connaissent mal le végétalisme et peuvent y être réticents au départ.

    Cette réflexion que tu lances aujourd’hui est vraiment importante si on veut rendre le végétalisme accessible au plus grand nombre possible. Ces problématiques ne sont pas si rares qu’on le pense – je connais personnellement 4 personnes qui doivent suivre une diète semblable à celle décrite dans ce lien. L’un d’entre eux tente de transitionner vers une diète plus éthique depuis plusieurs années avec des résultats plus ou moins probants.

    Bref, merci énormément d’élargir le débat!

    • J’ajouterais aussi que le problème avec certains aliments est d’ordre « mécanique »: par exemple, les graines de certaines baies peuvent se loger dans des replis de l’intestin où elles demeureront plutôt que d’être éliminées. Pour les fibres, c’est qu’elles augmentent la friction que doivent subir des parois intestinales déjà irritées ou inflammées.

  2. Bonjour
    Votre article est pragmatique. Par contre, sur la question des animaux-médicaments qui pourraient être au services des humains malades (encore faut-il être sûr que d’autres solutions sont impossibles) vous êtes dans le spécisme : pourquoi destiner des animaux nonhumains à cela et pas des animaux humains ?

    • Merci pour votre commentaire. J’espère que cette possibilité de spécisme n’est qu’apparente, car ce projet de cocitoyenneté avec les animaux domestiqués se veut égalitaire et donc antispéciste. Il faut comprendre que cette proposition s’inscrit dans un projet plus large de cohabitation et de collaboration mutuelle avec les animaux domestiqués, qui bénéficieraient des mêmes protections, privilèges et obligations (chacun dans la mesure du possible, toutes choses égales par ailleurs) que leurs concitoyennes humains.
      Ainsi, j’ai écrit que: « De la même manière, il serait aussi possible que des mères humaines donnent leur excès de lait, si cela ne prive aucun enfant de son lait maternel. » Inversement, on pourrait envisager de donner des produits animaux à des animaux non humains qui auraient une nécessité biologique ou des problèmes de santé rendant leur végétalisme difficile et impossible (car évidemment, dans une zoopolis, tous les animaux devraient aussi être végétaliens ou respecter les droits fondamentaux des autres animaux). L’exemple du chat devient alors une question épineuse, et Donaldson et Kymlicka (Zoopolis, p. 149-153) abordent différentes solutions qui pourraient être envisagées en ce qui concerne la diète des chats s’il est impossible de créer un produit végétalien contenant tous les nutriments essentiels pour les félins. On pourrait de plus imaginer d’utiliser les cadavres humains, morts naturellement ou accidentellement.
      Bref, ce ne sont pas que les animaux non humains qui fourniraient des produits animaux, ni tous ces médicaments qui ne seraient destinées qu’aux animaux humains. Pensez-vous que, malgré tout, ces mesures demeureraient spécistes? Croyez-moi bien que c’est un point sur lequel je suis sensible, et comme je l’indiquais au début, le but est d’en parler et non d’instaurer unilatéralement toutes ces suggestions sans en débattre.

      • Je vous crois et je ne vous suspecte de rien :-)
        Mais je suis fermement opposé à toute idée de « co-citoyenneté » avec les animaux nonhumains et encore plus à celle de « libre collaboration ». Je ne pense pas que l’on puisse « collaborer » avec des animaux nonhumains puisque nous ne pouvons pas savoir ce qu’ils en pensent. De la même manière, on ne peut collaborer avec des enfants en très bas âge. Que des mères humaines donnent leur lait en connaissance de cause, pourquoi pas. Que des mères nonhumains puissent le donner en tout liberté, je ne vois pas comme cela serait possible. Dans ce sens, on les exploiterait contre leur plein gré, qu’on le veuille ou non… Je suis plutôt pour une séparation des mondes ou, pour le moins, pour une co-habitation mais sans aucun rapport que passager et hasardeux avec les animaux nonhumains (le même que nous avons avec les oiseaux par exemple). Avec tout l’arsenal juridique mis en place, il y a encore plein d’humains qui exploitent d’autres humains (fussent-ils leurs enfants…). Comment penser que l’on puisse librement coopérer avec des animaux qui ne pourront jamais aller porter plainte ou s’échapper ?

      • Je comprends vos réticences et vous posez les bonnes questions, croyez-moi.
        Vous pourriez tout de même apprécier en connaître davantage sur cette approche, en lisant le livre « Zoopolis » si vous en avez le temps. C’est extrêmement intéressant, et il contient une critique de l’approche abolitionniste-extinctionniste (où les animaux non humains doivent être écartés à tout prix de nos sociétés). Même si on est contre l’approche de citoyenneté, on y apprend beaucoup.
        Si vous avez moins le temps, vous pourriez lire le billet que j’ai écrit sur ce débat: https://coteboudreau.com/2014/05/19/abolition-exploitation-ou-domestication/
        Et un article des auteurs où ils essaient de répondre à ce type de craintes légitimes: https://www.academia.edu/2394661/Sue_Donaldson_and_Will_Kymlicka_Citizen_Canine_Agency_for_Domesticated_Animals_

        Au plaisir!

  3. Bonjour,

    Merci pour cet article instructif.
    Je souhaiterais SVP savoir quelles sont les maladies qui sont incompatibles avec le choix d’être végétalien ?
    J’ai fait quelques recherches mais impossible pour l’instant de trouver.

    Merci aussi pour vos autres articles, je vais davantage les parcourir, et m’abonner pour les prochains !

    • Bonjour Sylvie,

      Malheureusement, je n’ai pas compilé de listes des maladies ou conditions étant incompatibles ou quasi-incompatibles avec une alimentation végétalienne. Ce serait effectivement utile d’en savoir davantage, d’entendre des témoignages à ce sujet. Les témoignages que j’ai entendus parlaient d’un ensemble d’allergies rendant les options végétales très très peu variées (comme une personne me racontant qu’elle était allergique à ce qui avait été pollinisé, donc aucun légume et fruit possible) ou de certaines maladies auto-immunes. Certaines personnes ne peuvent digérer les crucifères ou, malgré les trucs que j’ai proposés dans mon billet, continuent à être incapables de digérer les légumineuses.

      Merci pour vos commentaires, au plaisir!

      Frédéric

    • Comme j’ai mentionnée plus haut, les maladies inflammatoires de l’intestin sont un de ces cas. Cela dit, plusieurs variables sont à prendre en compte: sévérité de la maladie, comorbidités, niveau de tolérance au risque. Pour préciser:

      – La maladie de Crohn et la colite ulcéreuse n’affectent pas tous les patients de la même façon. Certains patients répondent bien aux médicaments et peuvent aller beaucoup mieux avec une diète végétale. Par contre, si la maladie est à un stade avancé, la consommation de fibres insolubles est carrément problématique parce que ces fibres augmentent le transit intestinal et le volume de nourriture à digérer et aggraver les symptômes. Pendant une crise, c’est l’équivalent de frotter une plaie.

      – Il est aussi important de noter qu’un patient qui découvre l’éthique animale plusieurs années après son diagnostic pourrait être déjà à un stade trop avancé pour pouvoir rectifier son alimentation de façon optimale selon les conseils nutritionnels qui sont souvent donnés de pour enrayer les maladies. Par exemple, si un patient a déjà subi l’ablation du côlon, son tube digestif, maintenant nettement plus court, fonctionne différemment et les conseils s’adressant à un patient « intact » ne peuvent s’appliquer. Cela est d’autant plus problématique qu’une telle ablation comporte des restrictions et des risques de carences qui lui sont propres et qui sont difficiles à réconcilier avec une alimentation toute végétale.

      – Enfin, il y a la gestion du risque. Vivre avec une maladie chronique grave implique que chaque décision en apparence minime peut être lourde de conséquences. Par exemple, une crise peut signifier 1 ou 2 semaines à l’hôpital. Une suite de mauvais choix entraînant un blocage intestinal peut mener à une ablation d’une partie du tube digestif. Autant de périodes de convalescence compliquent beaucoup de choses, y compris la capacité de maintenir un emploi et donc de pouvoir se permettre un mode de vie décent. Il est vrai que ce dernier point s’applique tout autant à une mauvaise diète carnée, mais avec les facteurs de risque énoncés ci-haut, il importe de comprendre que pour un patient qui a trouvé une diète permettant de vivre le plus normalement possible, tout changement doit être fait avec une extrême prudence.

      Je suis d’avis qu’il est essentiel que nous, la communauté végane, comprenions ces dynamiques afin de ne pas rejeter les minorités invisibles pour qui suivre ses convictions est un combat contre son propre corps. Si nous les aidons en comprenant leur situation, nous avons une chance de les rallier à notre cause et de les aider à trouver une solution. Si nous démontrons de l’empathie et de la compréhension, qui sait, peut-être convaincront-ils leur entourage de se joindre à nous, même si pour eux c’est impossible?

      Par contre, si nous y allons de phrases telles « c’est toujours facile de devenir végane » ou « voyons, c’est juste des excuses », comme je vois souvent dans les médias sociaux, nous nuisons à notre mouvement. Surtout que les maladies chroniques restent du domaine privé et que l’on ne sait que rarement le bilan de santé de notre interlocuteur, ainsi que les risques auxquel il fait face.

      (Je suis consciente que j’ai sur-répondu à la question. Souvent, lors de débats, si je mentionne la maladie de Crohn, une autre personne me répondra qu’elle connaît quelqu’un qui l’a aussi et que le végétalisme lui a été bénéfique. Or, on ne peut étendre l’expérience d’une seule personne à tous les cas de maladie. Bref, pour vraiment comprendre l’enjeu, il faut aller plus loin qu’une liste de maladies et comprendre ce qu’implique le fait de vivre avec une maladie chronique.)

      • Bonsoir !
        Très brièvement, je tiens à réagir pour la maladie de Crohn. J’ai eu l’occasion, il y a quelques mois déjà, d’en discuter avec un nutritionniste spécialisé dans les alimentations végétales et il m’a indiqué qu’il est tout à fait possible d’être végane tout en ayant la malade de Crohn. Il conseille à cet égard de se diriger vers les produits moins riches en fibres, tels que les produits pré-travaillés et les  » simili-carnés « .

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