Michael Fox: changement de conviction

Une belle anecdote que peu d’antispécistes connaissent, à ce que je sache : celle du changement de conviction de Michael Allen Fox. Ce philosophe canadien a défendu pendant plusieurs années le spécisme et la vivisection, en écrivant des articles et en donnant des conférences. Ses recherches ont culminé avec la publication en 1986 de The Case for Animal Experimentation qui lui a valu une belle notoriété et de nombreux encouragements, notamment auprès de la communauté des scientifiques en faveur de l’expérimentation animale.

Michael Fox

Or, en lisant les critiques de son livre, le professeur Fox en vient à se remettre en question. Plus particulièrement, il raconte que : « une féministe radicale m’a forcé à regarder en face le caractère arbitraire de la théorie éthique patriarcale, hiérarchique et anthropocentriste que j’avais adoptée et que j’ai défendue pendant si longtemps, mais que je n’avais pas examinée en profondeur par manque de courage. »1 Il est de plus en plus embarrassé.

Finalement, après quelques mois de réflexions, il change complètement son fusil d’épaule : « Depuis que j’ai écrit le livre, je suis devenu profondément insatisfait de l’approche à laquelle je souscrivais, qui se basait sur la possession des droits et une définition étriquée de la communauté morale. […] Il n’existe aucune base objective pour maintenir que les différences entre les humains et les animaux, aussi moralement pertinentes que puissent être certaines d’entre elles, font que les humains sont moralement supérieurs et les animaux sont des formes de vie inférieures ou insignifiantes.2 Il va même jusqu’à admettre que les types d’arguments justifiant le spécisme peuvent effectivement justifier le racisme et le sexisme.

Il avoue que son livre est devenu « une source d’embarras pour moi, un ouvrage qui me paraît tellement étranger que lorsque je le relis, il me semble avoir été écrit par quelqu’un d’autre. »3 Et ses arguments le dégoûtent presque : « Je suis maintenant atterré de ces remarques remplies d’arrogance. Comment était-il possible qu’une personne raisonnablement intelligente et sensible maintienne de telles opinions ? »4 Il n’a alors plus le choix que de changer de trajectoire : « J’ai dû faire face à la pénible décision de réviser entièrement le manuscrit d’un nouveau livre sur l’éthique environnementale que j’avais presque complété aux deux tiers. »5

Il a depuis énormément écrit en faveur de l’antivivisection, du véganisme et du droit des animaux, en plus de devenir végétarien lui-même — un changement radical pour un philosophe qui se faisait pourtant connaître pour défendre les idées contraires ! Cet extrait de sa bibliographie sur sa page personnelle à l’University of New England en témoigne largement.

Vous trouverez le témoignage (y compris les citations que j’ai utilisées) dans l’article publié dans The Scientist et dans son article « Animal Experimentation: A Philosopher’s Changing Views » paru dans Beyond the Species.

Cette personne, dans sa capacité à admettre publiquement qu’il s’était trompé, a toute mon admiration. Et double anecdote : Fox a fait sa carrière à Queen’s, là où je fais mon doctorat. Ce département a définitivement une histoire avec l’éthique animale !

Si un intellectuel défendant publiquement le spécisme, bâtissant sa carrière en défendant l’exploitation animale et se faisant acclamer pour ses travaux, réussit à admettre qu’il n’est plus convaincu et qu’il se trompait, cela me donne un peu d’espoir pour d’autres. Je me rappelle souvent que j’ai été spéciste moi-même, pendant de nombreuses années. Avec un peu de patience et de détermination, peut-être parviendrons-nous à convaincre même les spécistes les plus récalcitrants.


Traductions réalisées par Danielle Petitclerc de Traduction DJP. Versions originales :

1. « a woman who is a radical feminist made me confront the arbitrariness of the patriarchal, hierarchical, human-centered ethical theory I had adopted and defended for so long, and had lacked the courage to examine fully. »

2. « Since I wrote the book, I have come to be profoundly dissatisfied with the approach I took, based on rights possession and a narrow definition of the moral community. […] There is no nonarbitrary ground on which to argue that the differences between humans and animals, morally relevant though some of them may be, make humans morally superior and animals inferior or valueless forms of life. »

3. « an embarassment to me, a work so foreign-sounding that when I re-read it, it seems as though it must have been written by someone else. »

4. « I now look at these arrogant remarks with dismay. How was it possible for someone of reasonable intelligence and sensitivity to hold these views? »

5. « I had to face the painful decision to completely revise a new book-length manuscript of environmental ethics which was almost two-thirds complete. »

5 avis sur « Michael Fox: changement de conviction »

  1. Ping : Expérimentation animale à l’Université de Montréal: le cas Selye | Frédéric Côté-Boudreau

  2. Ping : Nonspeciesist Arguments against Animal Experimentation – Christiane Bailey

  3. Ping : Des scientifiques contre l’expérimentation animale | Frédéric Côté-Boudreau

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