Reproduction de ma conférence éponyme donnée le 22 août 2015 à Montréal dans le cadre de la Journée mondiale pour la fin du spécisme.
L’idéologie spéciste trace une frontière étanche entre les êtres humains et les autres animaux pour de nombreuses raisons, mais l’une des plus communes relève de sa manière de définir l’humanité. Lorsqu’on demande ce qu’il y a de si différent, de si particulier, de si incroyable dans l’être humain pour le distinguer des autres animaux, le spécisme va souvent faire appel à des distinctions comme « les êtres humains sont intelligents, ont une conscience de soi, sont capables de faire de l’art et d’entreprendre des luttes politiques ».
Les animaux, eux, ne possèdent pas ces qualités, et de ce fait, ils seraient inférieurs aux êtres humains. Leur valeur morale serait moins grande et ce ne serait pas très grave de les exploiter, car la richesse de leur vie est vraiment moindre.
Comme vous pouvez vous en douter, cet argument spéciste est médiocre. Mais sa conséquence n’est pas seulement de justifier l’oppression des animaux, mais aussi de perpétuer la marginalisation de nombreux humains qui ne répondent pas à ces caractéristiques, notamment les personnes ayant des déficiences intellectuelles. Cette marginalisation est nommée le capacitisme, c’est-à-dire la discrimination en fonction des capacités des gens, que ce soit des capacités intellectuelles, physiques ou affectives. (En anglais, on dit ableism.)
Je propose ici de discuter de certains liens entre les arguments spécistes et ses conséquences capacitistes ainsi que des attitudes et arguments capacitistes que l’on retrouve même parmi les partisans des droits des animaux. Je crois qu’il est essentiel que les antispécistes, s’ils souhaitent abolir toutes les formes d’oppression, ne reproduisent pas des schèmes de pensée avantageant les personnes non handicapées et neurotypiques et reconnaissent la marginalisation et l’oppression que subissent encore de nos jours les personnes en situation de handicap. De plus, comme je l’expliquerai, le capacitisme est aussi présent au sein de l’éthique animale et nous devons le dénoncer.
L’argument des cas marginaux revisité
Lorsqu’une personne essaie de justifier le spécisme en faisant appel aux qualités dites humaines comme l’intelligence ou la conscience de soi, que faut-il y répondre ? Vous le savez sans doute, on fait appel au fameux argument des « cas marginaux ».
Il consiste à rappeler qu’il existe de nombreux êtres humains qui ne possèdent pas les caractéristiques prisées, ou du moins, pas au même degré : les bébés, les jeunes enfants, les personnes ayant une déficience intellectuelle1 sévère ou les personnes âgées qui perdent leurs facultés mentales (par exemple à cause de l’Alzheimer).
Donc, si les critères avancés par les spécistes sont bons, cela signifierait que ceux que l’on appelle les cas « marginaux » ne devraient pas jouir de la même protection morale que les cas « non marginaux » ; par exemple, ils ne devraient pas avoir de droits et on pourrait, à la rigueur, les exploiter et les manger.
Mais cette conclusion parait très choquante et absurde à la plupart des gens, ce qui laisse entendre qu’il faut aussi donner des droits à ces cas marginaux. Et c’est là que les antispécistes interviennent et disent : si vous leur en donnez, la cohérence n’exige-t-elle pas qu’il faille en donner aussi aux animaux ?
Sauf qu’il y a deux façons de répondre, ici, et il faut être très prudent pour ne pas tomber dans une réponse capacitiste.
La mauvaise manière d’utiliser l’argument des cas marginaux est en laissant entendre que les cas marginaux représentent une exception, car ils sont justement marginaux, peu nombreux. C’est capacitiste de laisser entendre qu’il existe des caractéristiques proprement humaines, une norme humaine, et qui ont plus d’importance; ce ne serait que par générosité, ou de manière secondaire, que nous octroyons des droits aux personnes ayant des déficiences. Mais ces individus ne sont ni une exception, ni moins humains. Pour cette raison, je préfère parler de « cas marginalisés », car il s’agit d’individus qui se font marginaliser par le choix de nos théories morales et de nos arguments ainsi que par notre langage. D’ailleurs, lorsqu’ils se font intégrer dans les théories de la justice, c’est trop souvent de manière ad hoc et secondaire. Par exemple, on ne les considère par pour ce qu’ils sont, mais seulement en fonction de leur appartenance à un groupe ou en fonction de leur potentiel. Ils ne sont pas intégrés directement dans nos théories de la justice.
La bonne manière d’utiliser l’argument des cas marginalisés est en insistant sur le fait qu’il s’agit de critères complètement trompeurs et dangereux. Il ne s’agit pas de simplement chercher une cohérence logique du fait qu’on ferait une exception à certains humains. Il faut plutôt chercher un critère qui n’a pas d’exception. Ce qu’il faut répondre aux spécistes est que ce que nous recherchons comme critère moral est le fait d’avoir une vie mentale, une conscience, ne serait que minimale ; le fait d’être un sujet, c’est-à-dire d’avoir une vie subjective, une vie intérieure, des perceptions ; de pouvoir ressentir la douleur et le plaisir — en un mot, ce qu’on appelle la sentience. Lorsque ces caractéristiques sont présentes, nous avons affaire à un individu, à un individu qui est affecté par ce qui lui arrive. À ce moment, il n’y a plus de marge ou de proprement humain : nous sommes tous des individus vulnérables essayant d’avoir une vie agréable. Alors seulement, le statut des cas marginalisés n’est plus secondaire et ne se comprend plus par contraste avec les humains neurotypiques : il vaut pour ce qu’il est, et au même titre que tous les autres.2
Comme je le disais, il nous faut être solidaires du mouvement pour les personnes ayant un handicap, ces dernières continuant à vivre beaucoup de marginalisation, de stigmatisation, de préjugés et de manque d’opportunités. Ainsi, il ne faut pas les instrumentaliser afin de mieux défendre les animaux : il faut surtout dénoncer les réflexes et attitudes capacitistes que beaucoup de gens entretiennent encore. Les ennemis communs des antispécistes et des anticapacistes, c’est entre autres l’importance vouée à l’intelligence, à l’indépendance face à autrui et à la force politique des individus. Il faut être conscient que les préjugés capacitistes demeurent tenaces dans nos sociétés qui se veulent progressistes. Je vais donc disséquer ces préjugés l’un après l’autre.
Les animaux ne sont pas intelligents
On prétend donc que parce que les animaux sont moins intelligents que les humains, ils peuvent être exploités. Après tout, s’ils sont moins conscients de leur exploitation, ce ne serait donc pas si grave de le faire.
On doit dénoncer cet argument non seulement parce qu’il exclut les animaux, mais aussi parce qu’il marginalise les personnes ayant une déficience intellectuelle. Ces derniers méritent d’avoir des droits au même titre que les autres humains, car les droits ne sont pas basés sur la possession de l’intelligence. Nous ne devons pas passer un test de QI pour être protégé par la constitution. Les droits servent à nous protéger contre le pouvoir et l’abus des autres, et nous en sommes tous vulnérables, intelligents ou pas.
On voit pourtant des théoriciens en éthique animale avancer que l’intelligence joue un certain rôle en ce qui a trait au statut moral. C’est le cas par exemple du fameux Peter Singer3, celui que l’on appelle le père de la libération animale : dans de nombreux écrits, il dresse une distinction entre les personnes et les non-personnes — ce sont vraiment les termes qu’il emploie. Les personnes sont des êtres qui ont une conscience d’eux-mêmes et qui peuvent développer des projets pour le futur, alors que les non-personnes ne vivraient que dans le moment présent et seraient simplement conscientes (sans être conscientes d’elles-mêmes). Cette distinction a comme implication que les non-personnes n’ont pas un intérêt à rester en vie : on peut les tuer sans douleur, voire même, dans le cas des bébés, les remplacer par des individus possédant des traits que l’on juge « préférables ».
Ces arguments stipulent que la complexité mentale a une importance morale. Tout à coup, l’égalitarisme est mis à mal : on peut hiérarchiser les individus en fonction de la « richesse » de leur vie. Plus un individu a une vie mentale complexe ou plus il a accès à une variété d’activités (intellectuelles, artistiques, spirituelles), plus sa propre vie serait importante. Car on suppose que lorsqu’une telle personne meurt, tous ses projets et sa richesse meurent également. Au plan pratique, ce type de raisonnement cautionne une facilitation à l’euthanasie ou au suicide assisté des personnes ayant une déficience intellectuelle, à l’avortement sélectif ou à l’infanticide uniquement basé sur les caractéristiques dites déficientes, ainsi qu’au rationnement des ressources de santé qui leur seraient destinées.4
Pour juger des valeurs de la vie, Peter Singer ne se gêne de demander à des gens neurotypiques et dotés de l’usage de tous leurs membres de comparer différents types de vie : « Si vous aviez le choix entre 10 années de plus, mais paraplégique, ou 5 années de plus sans être paraplégique, qu’est-ce que vous choisiriez ? »5. Et selon lui, ce raisonnement suffit à démontrer que la richesse de vie des non-paraplégiques serait probablement supérieure. Et il fait la même comparaison à propos des animaux. Il dit par exemple qu’en tant qu’humains, nous trouvons notre vie plus appréciable que la vie d’un cheval ; mais peut-être que le cheval, de son propre point de vue, trouve sa vie plus intéressante que celle d’un humain. Comment trancher ? C’est facile, dit Peter Singer : il suffit de s’imaginer être ni humain ni cheval, et contempler de manière abstraite ces deux formes de vie, et à ce moment il devient évident, suppose-t-il, que l’humain a une vie plus riche et enviable.6 En d’autres mots, celui qui a popularisé le concept du spécisme n’hésite pas à adopter des raisonnements spécistes et capacitistes pour comparer la valeur de la vie de différents individus. C’est complètement biaisé, et les études démontrent bien combien les personnes neurotypiques et physiologicocotypiques7 sont nulles pour évaluer le bonheur des personnes en situation de handicap.
Ce réflexe se retrouve malheureusement parmi les défenses de la cause animale : on accorde souvent moins de temps et de ressources pour défendre les poissons, par exemple, parce qu’on pense que leur vie mentale est « primitive ». Pourtant, la seule classe des poissons surpasse en nombre (et sans doute en souffrance) tous les mammifères et les oiseaux exploités dans l’élevage : on ne parle plus de dizaines de milliards, mais de trillions à chaque année.
Les véganes avancent aussi, très souvent, que les cochons seraient plus intelligents que les chiens : et par là, ils essaient de dire aux omnivores que s’ils ne sont pas prêts à manger du chien, alors ils ne devraient pas manger du cochon. Mais cet argument est horrible : il renforce l’idée que l’intelligence constitue un critère pertinent pour savoir si un individu mérite d’être mangé ou non.
Bien sûr, de nombreux activistes essaient d’être pragmatiques et d’utiliser les techniques rhétoriques qui marchent, tout simplement, pour sauver les animaux. Le problème, à mon avis, est qu’utiliser n’importe quoi qui marche non seulement décrédibilise notre lutte auprès de nombreux mouvements sociaux, mais pourrait aussi légitimer des tactiques sexistes ou racistes si grand bien en fasse aux animaux. Ces tactiques participent également à la compartimentalisation de la justice, comme si chaque lutte sociale était isolée des autres. Mais la justice est un tout, et on ne peut pas et on ne doit pas tenter de libérer les uns tout en opprimant les autres.as
Est-ce que toute recherche éthologique sur les animaux et sur leur vie mentale devient alors futile et pernicieuse ? Pas nécessairement, à condition qu’elles ne servent pas à cautionner la hiérarchisation entre les animaux, mais plutôt à démontrer nos propres biais humains.8 Lorsque des études révèlent que les animaux sont plus intelligents qu’on le pensait, cela nous permet de découvrir combien nous sous-estimons leurs capacités, comment on n’est pas capables de les voir pour ce qu’ils sont réellement.
D’ailleurs, des recherches en psychologie empirique montrent comment notre conception de ce qu’est animal est socialement construite. On a demandé à des gens d’évaluer la vie mentale d’un animal identifié dans une photo le décrivant comme vivant dans un pré avec ses semblables pour le reste de sa vie. À un autre groupe, on leur a soumis la même photo, mais en disant cette fois que cet animal allait être mangé. On remarque systématiquement que le groupe à qui on avait ajouté la qualification que l’animal allait être mangé sous-estime la vie mentale des animaux.9 En d’autres mots, ce n’est pas parce que les animaux ne sont pas intelligents qu’on les mange, mais c’est parce qu’on les mange qu’ils paraissent moins intelligents.
Les animaux sont dépendants10
On peut raisonnablement dire que les animaux domestiqués dépendent de nous à plusieurs égards. Ce fait a malheureusement donné lieu à deux idées opposées et capacitistes : une pour justifier l’exploitation et une autre pour soutenir l’extinction des espèces domestiquées.
En ce qui concerne l’exploitation, les éleveurs peuvent prétendre qu’ils ont donné la vie aux animaux. Sans eux, les animaux n’existeraient pas et ne pourraient pas survivre. Cela légitimerait donc qu’on les consomme : ils nous doivent tout.
En ce qui concerne l’extinction, certains voient les animaux domestiqués comme étant des lointaines reliques des animaux sauvages — des êtres mal adaptés, ne pouvant survivre par eux-mêmes, dégradés, indignes. Ils ne peuvent être libres et se débrouiller par eux-mêmes.
Dans les deux cas, il s’agit de préjugés capacitistes en ce qu’ils voient la dépendance soit comme un aspect intrinsèquement indésirable et non naturel, soit comme une légitimation de la domination. Le modèle social du handicap nous apprend plutôt que la dépendance est un fait inhérent à la vie de tous, et qu’il n’est pas indigne ou indésirable en soi. Nous dépendons tous des uns et des autres, mais parce que les arrangements sociaux facilitent la vie de certains plutôt que d’autres (par exemple, en facilitant les déplacements quotidiens pour des bipèdes d’une certaine grandeur), plusieurs vivent dans le privilège de ne pas se rendre compte de leur dépendance. Nous dépendons pourtant des autres pour tout ce que nous utilisons tous les jours : notre linge, notre nourriture cultivée, notre maison construite, toutes les infrastructures que nous utilisons et les objets que nous manipulons. Même notre vie intellectuelle a nécessité un support extérieur considérable : nous avons eu besoin des autres pour grandir et apprendre à peu près tout nous savons. Nous sommes tous, selon les théoriciens du handicap, dans un état d’interdépendance.
On confond donc souvent la dépendance avec la domination. Mais dépendre de quelqu’un n’implique pas être à la merci de celui-ci — cela est seulement le cas lorsque notre société conçoit la dépendance de manière péjorative. Il pourrait en être autrement. Même si on dépend des autres, notre vie nous appartient quand même, et nous avons le droit de nous épanouir sans être exploité.
Ce qui est condamnable, en fait, c’est plutôt de ne pas répondre convenablement à la dépendance et à la vulnérabilité.
Les animaux ne résistent pas
Plusieurs cherchent à écarter la pensée antispéciste en niant les analogies entre le racisme et sexisme d’un côté et le spécisme de l’autre. Les esclaves et les femmes, par exemple, luttent pour leur propre émancipation : ils ne sont pas purement soumis. Ils revendiquent la justice et combattent activement le système qui les opprime. Ils et elles seraient donc des « sujets » de l’Histoire car ils et elles la créent, et ne sont donc pas simplement des objets qui la vivent et la subissent.11
Cette pensée m’apparait, encore une fois, capacitiste et classiste. Capacitiste, car ce n’est pas tout le monde qui possède les capacités mentales et physiques pour pouvoir lutter et protester. Plusieurs personnes ayant un handicap ont réussi à se mobiliser politiquement, et nous devons applaudir et reconnaître leurs efforts, mais ce n’est pas le cas de tous ceux et de toutes celles qui ont déjà de la difficulté à traverser les épreuves quotidiennes ou qui vivent dans un environnement ne leur permettant pas la prise de parole politique. C’est donc aussi classiste, car ce n’est pas tout le monde qui a la possibilité économique de pouvoir lutter. Lutter exige des ressources et parfois même du savoir. Ce n’est pas à la portée de tous. Devons-nous transformer la soumission en culpabilité et responsabilité individuelle ?
Et en plus, il est faux de croire que les animaux ne font pas de lutte politique. Ils ne s’organisent pas comme nous, il est vrai, et ne font pas d’actions politiques comme on est habitués de l’entendre, et pourtant, ils résistent au quotidien : ils se débattent, refusent d’avancer, crient, grognent, mordent, attaquent continuellement. Ce sont des gestes qui ont leur valeur, même si on le reconnait très peu.12
Mais ceux qui persistent à voir la résistance politique uniquement en des termes de débats ou de lutte organisée renforcent une conception très idéalisée de l’action politique, action qui d’ailleurs réduit la politique et la justice à des rapports de force. En d’autres mots, on dit aux animaux et aux autres groupes désavantagés : tant pis si vous êtes opprimés, mais vous allez seulement gagner votre liberté si vous la méritez, c’est-à-dire si vous êtes capables d’être plus forts que nous. À l’insulte et à l’injure, on ajoute la violence et la subordination.
Conclusion
La lutte antispéciste est une lutte contre les préjugés qui affectent aussi les humains les plus désavantagés, car ces mêmes préjugés affectent également les animaux.13 Il nous faut promouvoir une éthique et une politique qui soient réellement égalitaristes, et qui alors rejettent les critères élitistes et capacitistes. La rationalité et la sensibilité morale sont sans doute des capacités à valoriser d’une certaine manière, mais elles ne devraient en aucun cas influencer l’importance ou le respect que l’on voue à un individu. Peu importe notre degré d’intelligence, d’empathie ou de force de caractère ou de force physique, nous méritons tous de mener une vie épanouie, à l’abri de la domination.
1. On pourrait également parler d’handicaps sociaux dans la mesure où certaines personnes, par exemple certain-e-s autistes, répondent moins bien à des standards de sociabilité et se font marginaliser pour ces raisons.
2. Je remercie Sue Donaldson et Will Kymlicka pour certaines de ces idées.
3. Mais il n’est pas le seul à tenir des propos similaires — on peut par exemple penser à Jeff McMahan.
4. Je ne veux surtout pas laisser entendre que l’euthanasie et que l’avortement soient moralement condamnables, loin de là: je soutiens l’accès aux deux. Toutefois, il y a sans doute des questions à se poser lorsque ces procédés sont systématiquement facilités lorsqu’ils concernent certains groupes sociaux plutôt que pour d’autres. Ce traitement différencié semble dû au préjugé social selon lequel la vie des personnes ayant des incapacités est nécessairement plus difficile et souffrante, voire « tragique », que celle des humains neurotypiques et physiologicotypiques. Or, les personnes ayant des incapacités peuvent bien souvent jouir de leur vie, et c’est pourquoi plus d’efforts devraient être faits pour améliorer leur qualité de vie, augmenter les ressources publiques qui leur sont dues et combattre les préjugés sociaux plutôt que d’avoir recours à l’avortement sélectif, à l’infanticide et à la facilitation de l’euthanasie dans leurs cas. En d’autres mots, elles devraient jouir des mêmes chances que les personnes n’ayant pas d’incapacités. Pour le répéter, il ne s’agit donc pas de fragiliser le droit à l’avortement ou le droit à l’euthanasie, mais de corriger les préjugés qui affectent au quotidien des personnes réelles.
5. Je paraphrase un exemple donné dans son article « Why We Must Ration Health Care » publié dans le New York Times le 15 juillet 2009. Lire aussi la réponse de Stephen Drake de Not Dead Yet : « Peter in the NYT: Disabled Lives Worth Less, Hypothetically », 17 juillet 2009. Et lire le témoignage d’Harriet McBryde Johnson sur ses rencontres et ses débats avec Peter Singer publié dans le New York Times, « Unspeakable Conversations », le 16 février 2003.
6. Je paraphrase un exemple discuté dans Practical Ethics (2011, 3rd Edition), p. 90-93.
7. Ce mot n’existe pas, à ma connaissance, mais faute de terme pour désigner les personnes n’ayant pas de handicap physique et faute de traduction française de able-bodied, je me risque à l’essayer.
8. Elles peuvent aussi servir à développer de meilleures connaissances au sujet des animaux et de leurs besoins et intérêts, ce qui peut s’avérer utile si nous avons à interagir avec eux.
9. Voir le chapitre 3 de Martin Gibert, Voir son steak comme un animal mort (2015), pour plus d’études psychologiques sur le rapport aux animaux.
10. Cette section largement inspirée par Zoopolis (2011) de Sue Donaldson et Will Kymlicka et par l’article « Interdependent Animals: A Feminist Disability Ethic-of-Care » de Sunaura Taylor publié dans Ecofeminism: Feminist Intersections with Other Animals and the Earth (2014).
11. Cet argument semble provenir du biologiste Stephen Rose dans « Proud to Be a Speciesist » paru dans New Statesman and Society (1991) et a été repris dans le texte « Peter Singer’s Race Problem » écrit par Sarah Grey et Joe Cleffie dans le magazine Jacobin, le 6 août 2015.
12. Voir par exemple le livre Fear of the Animal Planet: The Hidden History of Animal Resistance (2011) de Jason Hribal. Voir aussi mon article « Vers un monde végane 2: représenter les animaux », section de l’autoreprésentation.
13. Pour le rappeler, je n’ai couvert que quelques exemples de préjugés, mais de nombreux autres mériteraient d’être rappelés.