« Le rendez-vous manqué de l’éthique animale » (L’Amorce no. 2) et recension sur le travail animal

Née en novembre 2018 grâce à un collectif de personnes dévouées, L’Amorce est rapidement devenue une ressource incontournable pour la cause animale dans la francophonie. Je ne saurais trop la recommander (et je ne comprends pas bien pourquoi je n’en ai pas parlé plus tôt ici, si ce n’est que j’ai plutôt délaissé ce blogue à la même époque et que je prenais pour acquis que les personnes qui me suivent la connaitraient assez vite). Voilà que cette année, j’ai enfin pu apporter ma modeste contribution à cette revue, et ce, deux fois plutôt qu’une: un texte sur le spécisme et le capacitisme et une recension d’un ouvrage collectif sur le travail animal.

« Le rendez-vous manqué de l’éthique animale » dans L’Amorce no. 2

Image provenant du compte Instagram de L’Amorce, et prise par Florence Dellerie.

Si vous n’en avez pas entendu parler : le deuxième numéro papier de L’Amorce. Revue contre le spécisme (Éliott Éditions) est paru à la fin avril 2025 et propose des contributions de Jeff McMahan, Élise Desaulniers, Sarah Zanaz, Thomas Lepeltier et Victor Duran-Le Peuch, ainsi que des entrevues avec Brigitte Gothière, Guillaume Meurice et Kaoutar Harchi. Il contient aussi un dossier spécial sur le spécisme et le capacitisme, proposant des extraits de Braves bêtes de Sunaura Taylor, un texte de Tom Bry-Chevalier et un de Sarah Fravica. Pour ma part, je signe « Le rendez-vous manqué de l’éthique animale » dans ce même dossier :

Pourquoi l’association entre le handicap et les animaux suscite-t-elle autant de clivages? De l’« exploitation conceptielle » du handicap à la notion de « non-personne », Frédéric Côté-Boudreau, auteur de l’entrée « Capacitisme » dans La pensée végane (PUF, 2020), revient sur le rendez-vous manqué entre les luttes anticapacitistes et l’éthique animale, qui véhicule encore parfois des conceptions défavorables aux personnes handicapées.

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Étude de cas sur un café à chats

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Un café à chats végane en plein coeur de Montréal

En juin dernier, le Café Venosa a ouvert ses portes sur le boulevard St-Denis à Montréal. Pour une première fois, il s’agit d’un café à chats n’offrant que de la nourriture végétalienne — une cohérence qui s’imposait comme nécessaire. (En effet, quel serait l’intérêt d’aller flatter des chats tout en croquant dans des paninis au jambon et fromage?) Mais au-delà de son attrait ludique et inusité, et de son menu fort appétissant, ce qui m’a frappé de cet endroit est qu’il pouvait exemplifier des idées que je défends à travers mon parcours académique et militant.

J’ai discuté auparavant de la théorie de la citoyenneté animale proposée par Sue Donaldson et Will Kymlicka, théorie qui suggère entre autres de considérer les animaux domestiqués comme des membres à part entière de nos sociétés et de leur octroyer le statut de citoyen. Et si le Café Venosa nous offrait une fenêtre sur une possible zoopolis, du moins sur une partie de celle-ci?

Je propose ici de montrer de quelle manière un café à chats végane nous permet de nous pencher sur trois aspects de la citoyenneté animale: la question de l’inclusion sociale, l’instauration des règles du vivre ensemble et le problème des conditions de travail. Il est probable que les fondateurs de ce café n’avaient pas de telles intentions en tête, mais leur initiative nous invite bien à mieux explorer nos idées et pratiques sur des thèmes politiques de grande importance. Lire la suite

La portée morale et politique de la capacité à éprouver du plaisir

Élan léchant de la neige - Mark Peter

Un élan attrapant des flocons de la neige avec sa langue. © Mark Peters.

La prédominance et l’omniprésence de la souffrance

À la fin de mon précédent billet sur l’antiperfectionnisme, je soulevais que l’éthique animale est presque monopolisée par la question des devoirs négatifs, c’est-à-dire des devoirs de ne pas nuire à autrui. Étant donné les tortures indicibles que l’on inflige à un nombre vertigineux d’animaux non humains — et ce, pour satisfaire des caprices totalement triviaux — il est normal de consacrer autant d’efforts pour expliquer à nos contemporains pourquoi les animaux ont un intérêt à ne pas souffrir et à ne pas être tués. Puisque ces notions ne vont pas encore de soi, il est primordial de devoir les répéter, autant de fois que nécessaire et de différentes manières, et de toute urgence.

En revanche, la vie des animaux ne saurait se réduire à éviter la souffrance. Elle est en effet beaucoup plus complexe, étant mue par la recherche de stabilité et de confort mais aussi d’expériences agréables et enrichissantes et par la création de relations privilégiées avec autrui. Ainsi, même si on cessait de faire souffrir et de tuer les animaux de manière directe, cela ne signifie pas pour autant que l’on remplisse toutes nos obligations à leur endroit. C’est pourquoi il faut aussi être conscient des préjugés que l’on risque de renforcer en véhiculant un discours qui se limite à ne pas faire de mal aux animaux: il faut aussi parvenir à expliquer que ce qui constitue leur vie est digne d’être valorisé et respecté.

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